Musée Plantin-Moretus, patrimoine mondial de l’UNESCO
par Etienne Lens le 6 octobre 2020
« Christophe Plantin n’est pas un homme de chair et de sang mais un homme d’esprit. Il ne pense pas à manger, à boire ou à se reposer et ne vit que pour son travail. » Benito Arias Montanus (1527-1598), orientaliste espagnol et coéditeur de la Bible polyglotte.

Papier, plomb et haute couture
Direction Anvers la cosmopolite, cité du diamant et de la mode, mais aussi la ville qui conserve le musée Plantin-Moretus, l’objet de notre visite. Le bâtiment du XVIe siècle est situé sur la Vrijdag-markt, le « Marché du Vendredi », à une encablure de l’Escaut, à cinq minutes à vélo de la gare centrale. Le musée et l’hôtel particulier des Plantin ne font qu’un. L’édifice est appelé Officina Plantiniana, le nom latin donné à l’imprimerie et à la maison d’édition.
Au XVIe siècle, Anvers connaît son Âge d’or. C’est un carrefour économique entre l’Inde et l’Amérique, mais également un centre culturel et artistique, une des plus grandes villes d’Europe.
L’imprimerie de Plantin y tient une place centrale comme vectrice des savoirs et facilitatrice de rencontres. Intellectuels de toutes natures, scientifiques, médecins, philosophes, poètes y accourent, séduits par la mécanique magique des presses d’imprimerie qui peuvent multiplier à souhait leurs précieux ouvrages. L’Officina Plantiniana devient très vite la plus grande imprimerie en Belgique, inondant de ses livres l’Europe entière.
Le musée n’est pas dénué de valeur architecturale : il date de la Renaissance et a été magnifiquement préservé. Le style de vie de l’époque est présent de bout en bout de la visite, de pièce en pièce, en passant par le patio, un jardin botanique de plantes anciennes, dont l’ensemble est resté fidèle à la conception originelle. C’est un endroit qui éveillait déjà la curiosité de dignitaires, rois, princes et personnages illustres de la Renaissance.
Le deuxième intérêt de ce musée est son utilité conservatoire. Il contient une quantité importante d’ouvrages originaux, d’imprimés remarquables, de gravures originales, d’archives, une collection impressionnante de livres rassemblés dans une grande bibliothèque, 151 tableaux – dont certains sont signés Pierre Paul Rubens – et deux des plus anciennes presses d’imprimerie au monde.
Plantin le Grand
Christophe Plantin (1520-1589) arrive de Touraine (France) et s’installe à Anvers en 1549 ; il y transfère son imprimerie — qu’il appelle le « Compas d’Or », dès 1576. Il a fait ses armes comme relieur et artisan du cuir et a appris le métier d’imprimeur à Caen, à Paris et enfin à Anvers qui était devenue l’épicentre de l’imprimerie aux Pays-Bas.
Grâce à l’appui financier de riches commer-çants anversois, il développe son imprimerie pour en faire une des plus grandes de son temps : 80 ouvriers, 22 presses, plus de 2400 publications au total Il devient l’imprimeur officiel de la Ville d’Anvers en 1579.



Plantin est aussi un homme d’affaires et un homme de réseau. Dans son giron évoluent nombre de savants venus de toute l’Europe. Il devient une référence pour les scientifiques et les humanistes de tous bords. Il gagne en renommée et devient le protégé de quelques financiers anversois. C’est ainsi que son imprimerie est sauvée de la spoliation en 1562 : ses mécènes deviennent ses créanciers et rachètent ses biens pour les mettre à l’abri.
Labore et Constantia
Plantin mise sur la qualité, autant sur la forme que sur le contenu. Il sélectionne de manière judicieuse les meilleurs papiers, les plus belles illustrations et les plus beaux caractères typographiques. Il trie sur le volet ses collaborateurs et engage des experts : correcteurs, traducteurs, commentateurs ou éditeurs de textes anciens ou contemporains, illustrateurs, graveurs, scientifiques et théologiens.

Le premier livre est imprimé en 1555. Une longue série suit ensuite rapidement, dont dix ouvrages majeurs :
- Les grands classiques latins, édités en collaboration avec Juste Lipse, ami de la famille Plantin-Moretus, humaniste et professeur à l’université de Louvain
- Le premier dictionnaire en néerlandais, conçu par Cornelis Kiliaan, le correcteur préféré de Plantin.
- De Thiende, un ouvrage du mathématicien Simon Stevin, qui pose les bases du calcul décimal.
- Le Dispensatorium de Coudenberg, un recueil de remèdes de médecine.
- Un ouvrage de géographie illustrée sur les Pays-Bas écrit par Lodovico Guicciardin
- Le premier atlas moderne rassemblant toutes les cartes de la planète, édité sous la houlette d’Abraham Cornelius, membre de l’équipe de Christophe Plantin.
- Une des plus belles bibles illustrées.
- Une illustration de douze mètres de long, représen-tant le cortège funèbre de Charles Quint.
- Cruydtboeck, un ouvrage de botanique très détaillé écrit par Rembert Dodoens, médecin et botaniste, le deu-xième libre le plus traduit au XVIe siècle après la Bible.
- La Biblia polyglotta, ou Bible Royale en cinq langues, coordonnée par Benito Arias Montanus et financée par le roi d’Espagne Philippe II.



Les publications de l’Officina Plantiniana sont reconnues mondialement. Leur qualité est incontestée et elles constituent un apport primordial dans la diffusion des connaissances et des courants d’idées. Au XVIe siècle, plus de la moitié des ouvrages scientifiques des Pays-Bas méridionaux sortent de l’atelier de Plantin.
Une entreprise familiale
En 1558, Christophe Plantin s’associe à son gendre Joanes Moenrentorf alias Jan Moretus (1543-1610), jusqu’à lui léguer l’imprimerie et la maison d’édition après 32 ans de bons et loyaux services.En plein essor, ils ouvrent des filiales à Paris, Francfort et Leyde (Pays-Bas septentrionaux).
Pendant 300 ans, neuf générations d’imprimeurs font briller leur art dans toute l’Europe, tout en préservant l’intégrité du legs de Plantin contre les velléités de certains de s’accaparer l’entreprise.
Le déclin commence vers 1796. Les publications de la maison ne se limitent plus qu’aux ouvrages liturgiques ; la fin du monopole dû aux privilèges accordés à l’imprimerie met lentement un terme à l’activité. Sans effort de modernisation, l’Officina Plantiniana agonise jusqu’en 1871.
Le bâtiment est vendu à la ville d’Anvers en 1876 par le dernier héritier, Edward Moretus (1804-1880), en vue de l’aménagement d’un musée, qui est ouvert au public le 19 août 1877 sous le nom Musée Plantin-Moretus. Le musée est inscrit dans son intégralité au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis le 10 juillet 1997.
Tout y est pour une immersion dans la Renaissance : le craquement du plancher sous les pas, l’odeur des boiseries, l’ambiance ouatée des salons, les livres exposés qui se révèlent discrètement dans la lumière tamisée. C’est un retour aux sources, aux premières heures de l’imprimerie. On ferme les yeux et on peut s’imaginer un silence monastique interrompu par le crissement des presses et le murmure des artisans. Bourgeois et ouvriers se croisent dans le patio, vaquent à leurs occupations avec concentration.
Au musée Plantin-Moretus, le visiteur curieux appréciera la composition minutieuse, le caractère de plomb parfaitement ciselé, la feuille de papier noble, l’illustra-tion riche et précise, la jolie reliure. Tout est là pour inspirer les passionnés du bel ouvrage.
Horaires, tarifs et autres informations sur :
https://www.museumplantinmoretus.be/fr
Ressources :
https://www.museumplantinmoretus.be/fr
https://fr.wikipedia.org/wiki/Christophe_Plantin
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pays-Bas_espagnols
https://whc.unesco.org
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