Affinity Photo vs Photoshop, le match du siècle  ?

par Thierry H. le 13 mai 2016

Affinity Photo Impressionne… Avec son logiciel de traitement d’images, Serif a frappé fort (pour en savoir plus, n’hésitez pas à lire notre article précédent). On a beau chercher, les fonctions absentes de cette version 1.4 sont rares. Bien sûr, on pourra toujours regretter de ne pas retrouver les possibilités de montage vidéo ou l’outil 3D de Photoshop. Mais si l’on s’en tient aux fonctionnalités indispensables, tout est là, ou presque… 

L'interface d’Affinity Photo peut paraître chargée (surtout lorsqu'on choisit la persona Photo) mais il suffit d'un peu de temps pour y trouver ses marques

Ne pas désorienter les utilisateurs expérimentés tout en se différenciant de Photoshop et en ajoutant une subtile dose de nouveautés. C’est le challenge relevé par les équipes de Serif. Inventaire non exhaustif des possibilités du prétendant au titre…

Une interface familière et un soupçon d’innovation

Commençons par jeter un coup d’œil à l’interface, qui innove… mais pas trop. Si à l’ouverture, elle se présente sous la forme d’une vaste fenêtre où sont « dockés » à la fois les outils, les palettes et les images sur lesquelles on travaille, il reste possible de passer en Mode séparé pour retrouver une présentation plus habituelle et ne pas dépayser les vieux routiers du Mac.

C’est cependant loin d’être indispensable tant la version initiale est bien pensée et efficace. Si on le souhaite, on peut détacher une palette et la laisser flotter, par exemple pour conserver affichée le panneau d’infos – plutôt complet, avec sa pipette d’échantillon déconcertante mais finalement pratique.

La plus grande originalité de l’interface d’Affinity Photo tient sans doute à la notion de « persona ». Au nombre de quatre – Photo, Liquify, Develop et Export – elles jouent un peu le rôle des espaces de travail de Photoshop. Cliquer sur Develop permet d’afficher les outils et palettes spécifiquement dédiés au traitement Raw et à la correction des images : la colonne de droite reprend alors les réglages de tons (Courbes, Noir et blanc ou Séparation des tons), d’objectif (déformations, aberrations chromatique, vignettage, etc.), et quelques autres. La palette d’outils, elle, se trouve réduite à sa plus simple expression, avec seulement quelques outils destinés à la correction locale, au recadrage ou à la balance des blancs.

La persona Photo sera sans doute la plus utilisée. La choisir conduit à se retrouver dans un espace de travail assez proche de celui auquel Photoshop nous a habitué. Calques, effets et styles font leur retour alors que la palette d’outils se remplit à nouveau.

Ici encore, peu d’éléments sont absents : Baguette magique, Outil pinceau de sélection (aussi efficace que la sélection rapide de Photoshop et, comme chez ce dernier, épaulé par une fonction Affiner les contours très proche de l’Améliorer le contour de son concurrent), Plume, Pinceau correcteur et Suppression de défauts, Pinceau, Remplissage, Densité plus et moins, etc. Petite subtilité du Pinceau correcteur (l’équivalent Affinity du Tampon) : non seulement il permet de cloner d’un calque à l’autre mais aussi d’une image vers une autre, via l’option Définir la source globale.

La persona Export est bien plus épurée et ne regroupe qu’une poignée d’outils et guère plus d’options. Elle affiche tout de même une palette Tranches pour la découpe en zones. Affinity Photo innove toutefois en proposant une fonction d’export permanent. Un peu à la manière du Generator de Photoshop CC, l’export automatique génère de nouveaux fichiers chaque fois que le document original est modifié. Pratique pour travailler sur des éléments d’interface web, par exemple

Dans le même ordre d’idées, le design responsive se trouve aussi facilité par une série de boutons qui proposent d’exporter en 1x, 2x et 3x.

Quatrième persona, Liquify est plus anecdotique et remplit, avec efficacité, un rôle identique à celui de son homonyme (Fluidité en français) chez Photoshop.

Bref une interface moderne et efficace qui ne demande que peu d’effort d’adaptation. De plus, une zone de messages dans le bas de la fenêtre principale nous informe en permanence des touches à utiliser pour modifier le comportement d’un outil. Des feedbacks apparaissent également en cas d’erreur, de façon à guider l’utilisateur encore hésitant. Un bon point pour Affinity Photo par rapport à Photoshop !

Ils sont au rendez-vous…

Rayon gestion des couleurs, le nouveau venu s’en sort avec les honneurs. Il permet bien entendu de travailler dans les modes habituels – CMJN, RVB, et Lab – en 8 et même en 16 bits pour les deux derniers cités. Il reconnaît les profils ICC et propose des options d’assignation ou de conversion.

Par contre, il ne possède pas d’équivalent aux cases à cocher Choix à l’ouverture lorsqu’il est confronté à une image possédant un profil différent de celui de ses préférences : soit il conserve le profil original, soit il effectue la conversion et nous en avertit. Dommage, car la solution de Photoshop est plus souple.

Impossible d’imaginer un logiciel de traitement d’images dépourvu de calques. Sur ce plan, Affinity Photo ne fait pas les choses à moitié. Leur fonctionnement reste intuitif même si, conditionné par des années de pratiques photoshopesque, on éprouve parfois quelques difficultés.

Pourtant, nos habitudes ne sont guère chamboulées : masque de fusion, réglage d’opacité et modes de fusion sont bien présents. Il suffit d’ailleurs de survoler la liste dans le menu déroulant pour voir immédiatement l’effet de chacun des modes sur le calque sélectionné. Notre bon vieux Photoshop ne nous a pas habitué à autant de réactivité!

Même si tout n’y est pas identique, la palette des calques ressemble beaucoup à celle de Photoshop. La plupart des fonctionnalités de ce dernier sont d’ailleurs acceptées, mais quelques petits accrocs surviennent parfois lors de l’ouverture d’un fichier .psd : les calques de forme ne semblent pas reconnus et certains calques se trouvent écrêtés alors qu’ils ne l’étaient pas dans le fichier original…

Les réglages disponibles ne désorienteront pas non plus les aficionados de Photoshop. Courbes, Niveaux, Exposition, Vibrance, Correction sélective, etc. Impossible de prendre Affinity Photo en défaut dans ce domaine.

Il dépasse même son modèle en proposant une sorte de correction composite baptisée Table de conversion 3D. Son rôle est simple : plusieurs modifications appliquées à une image (une correction par courbes additionnée à un traitement Tons foncés/tons clairs et à une vibrance boostée, par exemple) peuvent être sauvegardées ensemble sous la forme d’une table de correspondance (lookup table ou LUT). Il suffira alors de la charger dans un autre document pour appliquer à celui-ci une transformation identique.

Autre nouveauté apportée par Affinity, la Séparation de fréquence. Dans le monde Adobe, cette méthode parfois appréciée par les retoucheurs requiert l’utilisation manuelle de calques et de filtres. Ici, il suffit d’un clic pour que l’image cible se retrouve séparée en deux calques, l’un reprenant les informations haute fréquence (en gros, le contraste), l’autre les informations basse fréquence (la chrominance). Pratique pour corriger certains défauts sans influer sur les couleurs.

La spécificité d’Affinity tient aussi au fait que tous les réglages, du moins en persona Photo, sont appliqués sous forme de calques. Les opérations seront donc non-destructives et adaptables à tout moment. Attention, ce ne sera pas le cas si on choisit d’effectuer des réglages en mode Develop.

Il faut s’y habituer et ne pas oublier que cette persona joue un peu le rôle de Camera Raw : elle est essentiellement là pour traiter les fichiers bruts directement issus des appareils photos numériques. Testé avec des fichiers Raw Canon, Sony et Panasonic, Affinity Photo s’en est d’ailleurs sorti sans problème.

Côté filtres, le nouveau venu n’égale pas encore son aîné mais couvre l’essentiel des besoins. Son menu Filtres en direct (l’équivalent des filtres dynamiques de Photoshop) permet déjà de jouer sur les effets de flou (gaussien, directionnel, etc.), de netteté (Masque flou, Passe-haut), de déformation (Ondulation, Sphérisation, etc.), de correction de déformation (Correction de l’objectif ou Perspective), d’ajout et de suppression de bruit. Il dispose même d’un filtre Éclairage. Une fois encore, chapeau bas…

Bizarrement, le logiciel possède à la fois un calque de réglages Tons foncés/tons clairs et un filtre du même nom, ce dernier offrant davantage de possibilités.

Les effets ne sont pas oubliés non plus. Ombre portée, Lueur interne, etc. On y retrouve l’arsenal habituel. Bonne idée d’y avoir ajouté le flou gaussien même si on peut parvenir au même résultat via les filtres…

Si la palette des calques ne nous montre pas directement quels effets sont appliqués à un calques, un double-clic sur le signe fx ouvre une boîte de doialogue qui n'est pas sans rappeler celle de Photoshop…
Si la palette des calques ne nous montre pas directement quels effets sont appliqués à un calque, un double-clic sur le signe «fx» ouvre une boîte de dialogue qui n’est pas sans rappeler celle de Photoshop…

C’est plutôt au niveau des canaux (traduction plus littérale de l’anglais channel que le terme « couche » de Photoshop) qu’on peut se montrer un peu déçu. La décomposition en canaux primaires de l’image est bien sûr au rendez-vous et s’accompagne même d’un accès aux canaux du calque actif.

On peut aussi utiliser des canaux alpha pour créer ou stocker des sélections. Là où le bat blesse, c’est lorsqu’on veut les modifier. Pas question de les manipuler comme une simple image en niveau de gris, à la manière de Photoshop. Dommage…

Au rayon des équivalences, on trouve aussi une fonction panorama qui ne réserve pas de vraie surprise mais accomplit correctement son travail. Plus originale est la fonction piles. Son rôle est d’accueillir des empilements d’images (capturées en mode « rafale » ou « bracketting ») pour ensuite en extraire le meilleur.

Pour quels résultats ? Créer un ersatz de fondu HDR, éliminer le bruit d’une photo prise en basse lumière ou permettre, via un calcul de moyenne, de conserver un arrière-plan fixe tout en éliminant les éléments mobiles (les touristes devant le monument que vous cherchez à immortaliser, par exemple). Photoshop possède bien une fonction similaire à cette dernière, mais elle est loin d’être aussi efficace.

Survolez cette image et vous découvrirez un des trois clichés qui ont servi à la créer. Une fois une pile constituée, il suffit e choisir un mode de mélange (Médian, dans le cas présent), et Affinité Photo s'occupe du reste…
Survolez cette image et vous découvrirez un des trois clichés qui ont servi à la créer. Il suffit de constituer une pile puis de choisir un mode de mélange (Médian, dans le cas présent) et Affinity Photo s’occupe du reste, comme par exemple d’éliminer tous les éléments mobiles…

Il faudra patienter…

Absent de cette version, les scripts pourraient bien faire leur retour dans une prochaine livraison. C’est d’autant plus probable que le logiciel possédait une persona de plus – baptisée Macro – durant la phase de beta test… Disparue pour sa sortie officielle, elle fera sans doute bientôt sa réapparition, sous une forme ou sous une autre…

Pas sûr cependant que les scripts à la sauce Affinity soient en mesure de rivaliser avec la solution d’Adobe qui permet à la fois d’enregistrer des suites d’opérations mais aussi, pour ceux qui en ont le courage et les compétences, de coder soi-même ses propres scripts en Javascript, VBscript ou Applescript.

Une vraie fonction HDR serait également dans les cartons, de même que le support de canaux (couches en langage Photoshop) de tons directs, et ce jusqu’à l’impression.

Les absents et les surprises

Serif a choisi de se concentrer sur les fonctions de base d’un logiciel de traitement d’images. Pas étonnant que l’outil 3D ou la palette de montage vidéo fassent pour l’instant défaut à Affinity Photo. On regrettera quand même le premier cité qui, même si on ne l’utilise pas pour de la vraie 3D, rend bien des services quand on doit réaliser un portfolio.

Au rang des bonnes surprises, on notera la possibilité, partagée avec Affinity Designer, de sauver une image avec son historique. Une fonction qui pourrait s’avérer bien pratique mais attention au poid des fichiers…

Un des atouts indéniables d’Affinity Photo, c’est sa capacité à gérer de nombreux formats, à l’import comme à l’export. Et dans son futur combat contre Photoshop, son aptitude à ouvrir et à sauvegarder en .psd risque de peser lourd ! Ajoutez-y une fiabilité certaine et des performances convaincantes et vous comprendrez que le passage de Photoshop à Affinity n’a rien d’impossible… et à 50 euros (ou même moins en promotion), la tentation risque d’être grande!

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